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Écologie de l'attention

Le snack content : une stratégie gagnante mais à quelles conditions ? — #Episode4

Dans ce nouvel épisode nous tâcherons de définir le « mode d’emploi » du snack content sur les médias sociaux pour en faire une stratégie marketing gagnante.
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Pour les lecteurs qui auraient pu entrevoir jusque-là dans l’ensemble de mes écrits dédiés au snack content un aveu de faiblesse, un mea culpa de communicante ou une sorte de critique implacable et irrévocable de cette stratégie éditoriale tant louée par mes pairs, je risque de vous décevoir ! Si les trois dernières années de consulting au sein d’une agence de communication spécialisée dans le contenu étaient à refaire, je recommencerais à l’identique ! Je conseillerais à nouveau le snack content à mes clients, en tenant compte comme toujours des conditions essentielles pour faire de cette stratégie marketing, une stratégie gagnante dans le cadre de la communication corporate.

Snack content oui, mais à quelles conditions ?

Condition #1 : le snack content est du contenu natif produit spécifiquement pour les médias sociaux

En effet, nous avons déterminé dans le deuxième épisode de cette série le fait que les réseaux sociaux presque sans exception (Linkedin, Twitter, Instagram, Facebook, Snap, Tik Tok etc..) étaient des espaces régis par des règles bien spécifiques qui constituent, selon le point de vue, des opportunités ou de fortes contraintes pour nos stratégies narratives. Si dans un monde idéal, les géants du numérique feraient en sorte que leurs plateformes soient modulables selon les usages et parfaitement adaptées à la richesse créative liée à la forme et au fond de nos contenus, lorsqu’on communique on jongle avec les règles du jeu telles qu’elles sont et non pas telles qu’elles devraient être. Dès lors, intégrer les tendances, les normes régissant les algorithmes, les contraintes liées aux formats spécifiques à chaque réseau social devient indispensable !

Si le snack content faisait souvent partie de mes recommandations éditoriales, je ne le préconisais jamais sans l’associer à la notion de « contenu natif ». Pourquoi ? Mes clients savent que je considère que la pédagogie est l’un des instruments les plus précieux du communicant ; ainsi, il n’est pas question pour moi de préconiser un dispositif plutôt qu’un autre pour répondre à une problématique précise sans veiller à bien expliciter les raisons de cette recommandation. En effet, dans mon acception, le snack content est par définition du contenu natif, c’est-à-dire du contenu original produit pour être hébergé directement sur la plateforme à laquelle il est destiné.

Comme nous l’avons vu dans « Le snack content : les origines — #Episode2 », le snack naît de la volonté des départements de communication des entreprises de répondre aux exigences des différentes plateformes afin de mieux adresser les audiences qui logent au sein de chaque réseau social. Parmi ces exigences, la nativité des contenus est en première lice.

Ainsi, il est bien connu que l’algorithme de Facebook privilégie les vidéos hébergées sur sa plateforme au détriment de celles qui seraient hébergées sur Youtube et partagées par un simple lien[1]. Il est également bien connu que sur Twitter une vidéo native est plus consultée que des vidéos partagées via lien depuis d’autres plateformes ou encore depuis les sites institutionnels. Pourquoi ? Les vidéos natives bénéficient sur Twitter d’un affichage en grand format dans le fil d’actualité, d’un déclenchement automatique[2] dès que le tweet est survolé, ainsi que d’une possibilité d’optimisation complète au sein du Twitter Media Studio[3]. De cette manière, les contenus natifs prennent plus de place effective sur l’écran, attirent davantage l’attention et ont tout simplement plus de chances de devenir viraux ! Le hic ? Twitter impose des limites en termes de poids et de longueur afin d’accepter d’héberger vos contenus vidéos. La taille de fichier maximale du format riche que vous pouvez tweeter de manière native est de 512 Mo et la durée de votre vidéo est de maximum 2 minutes et 20 secondes. Ces fameuses 2 minutes maximum dont on parle tant depuis quelques années quand on parle vidéo… Vous vous en souvenez ?

Bref, vous l’aurez compris : oui pour le court oui pour le snack content, mais à condition de savoir pourquoi, quand et où l’employer ! Il me semblerait par exemple contre-productif de se mettre en quatre pour raccourcir au maximum un contenu vidéo de qualité seulement pour ne pas dépasser les fameuses deux minutes tant plébiscitées, si votre vidéo n’a aucune vocation à être partagée de manière native sur Twitter. Même si votre stratégie social media prévoit bien le partage natif au sein de chacun des réseaux sociaux, à mon sens, il est toujours contre-productif d’écourter de manière drastique vos propos et contenus lorsqu’ils ont par nature besoin de plus de temps pour garantir leur qualité ! Comment faire alors ?

Condition #2 : le snack content a pour vocation principale le teasing[4]

On l’a déjà dit, l’efficacité du snack content dans le monde de la publicité où un message très court et percutant peut avoir une puissance de frappe commerciale redoutable n’est pas à remettre en question. Par ailleurs, le snack content comme stratégie marketing exclusive semble fonctionner à merveille pour certains influenceurs ou humoristes qui y ont un recours exclusif sur des réseaux sociaux comme Instagram ou Twitter. Je fais référence à l’ensemble de memes géniaux qui foisonnent sur le web et qui franchement, par moments peuvent même faire une journée ! Quelques exemples de comptes que je suis personnellement : Stagiaire des AffichesGrowing Up RomanianYugnat999

En effet, dans ces deux cas de figure, le snack content a vocation à vivre par et pour lui-même. Toute entreprise ou marque pourrait ainsi envisager une présence spécifique sur des réseaux sociaux bien choisis avec une ligne éditoriale bien définie basée sur le snack content exclusivement. Pour plus de fraîcheur et crédibilité, cette parole pourrait être incarnée par des influenceurs et ambassadeurs de la marque ou tout simplement par des collaborateurs de l’entreprise. Mais, à défaut d’une stratégie spécifique développée dans ce sens, l’époque du « community manager clown » — bien que très sympathique je m’en souviens — m’apparaît désormais comme révolue. Si on parle communication corporate et comptes institutionnels d’entreprises (surtout à raison d’être[5] !) sur les réseaux sociaux, il convient alors de concevoir votre production de snack content quasi exclusivement comme une manière de faire du teasing, de promouvoir vos événements, vos contenus de marque, vos collaborateurs, vos réussites, vos défis…

Cas pratique :

Admettons que vous souhaitiez intégrer nativement sur Twitter une vidéo de cinq minutes (et non 2 minutes 20) et dont chacune des 300 secondes est extrêmement précieuse et contribue à l’intelligibilité globale du propos. Quelle recommandation dans ce cas de figure ? Surtout ne jamais raccourcir vos contenus pour de mauvaises raisons ! Qu’il s’agisse de vos vidéos (interviews, reportages, animations, motion-designs etc.) de vos infographies ou de vos articles, ne jamais raccourcir dans le seul but de faire plus court donc parce que des lois — trop écrites — sur le web l’auraient édicté ; d’autres solutions existent.

Si l’objectif principal est de faire en sorte d’attirer sur un site institutionnel les usagers de x réseau social ; le KPI visé étant ainsi le taux de clic sur un CTA donné :
Si l’objectif est de faire partie au maximum des conversations inhérentes à ce réseau, de maximiser la consultation du snack content et son partage :

Ces quelques solutions permettent d’attiser la curiosité de votre audience, de créer un effet d’attente positive et d’augmenter de manière qualitative et justifiée votre nombre de publications sur le réseau social en question, de manière à augmenter également vos chances que vos publications soient vues. Vous l’aurez compris, s’agissant de la communication corporate, la fonction teasing du snack content se doit de l’emporter presque toujours.

Condition #3 : le snack content n’est qu’une stratégie au sein d’un mix éditorial complexe

Suite à la publication de l’introduction de cette série de tribunes, une de mes camarades me disait que pour elle le snack content n’était pas l’inverse d’un repas gastronomique. Son argument ? Dans la cuisine gastronomique, il y a finalement très peu dans l’assiette, mais les saveurs se trouvent exacerbées. Et je suis la première à plussoyer l’image ! Les vrais combats éditoriaux autour du snack content sont en effet la densification et l’adaptation des contenus à la variété des motivations des audiences.

Cependant, contrairement au fast-food, on ne se contente jamais d’une entrée ou d’un plat unique dans un restaurant gastronomique, quelles que soient les vertus de ce plat de chef. En effet, le propre du gastronomique se trouve dans le parfait alliage et enchaînement des différents plats. Dès lors, il n’est guère question de snack dans le gastro, mais d’un voyage savamment réfléchi qui invite le voyageur à une traversée d’un point A à un point B, qui lui apportera pleine satisfaction.

Il revient alors aux professionnels de la communication que nous sommes de bien choisir les formats pour chaque type de communication et de se souvenir que le snack content n’est qu’une stratégie éditoriale parmi d’autres et que les médias sociaux restent des canaux de diffusion parmi d’autres. Il nous revient d’accepter et de bien intégrer le fait que tous les sujets ne se prêteront néanmoins jamais à un traitement type snack content. À nous de devenir les garde-fous des effets de mode. La tentation du facile peut être grande, les « exhausteurs de goût » nombreux…[6]

Il revient aux professionnels de la communication que nous sommes de se souvenir que le snack content n’est qu’une stratégie éditoriale parmi d’autres. À nous de devenir les garde-fous des effets de mode…

Une citoyenne éclairée.

Pour rendre les messages plus efficaces, plus écologiques, plus pédagogiques, il est essentiel de produire des contenus utiles, ingénieux, créatifs, inspirants… bref, des contenus à réelle valeur ajoutée, que ces derniers soient synthétiques ou non. En effet, le snack content est du contenu spécifique pour les réseaux sociaux, qui ne vit pas réellement par et pour lui-même. C’est du contenu qui n’aurait assez souvent aucune raison d’être sans vos contenus de fond, vos positions et prises de parole médiatiques, vos actions et celles de vos collaborateurs, vos événements, etc. C’est l’ensemble de vos actions de communication qui permettra de « rassasier » vos communautés, clients, prospects, parties-prenantes, chacun en fonction de son appétit et de son envie.

Le snack content n’est donc qu’une stratégie de contenu parmi d’autres, permettant à votre marque de parler toutes les langues du digital. Il apparaît donc aujourd’hui — au regard des contraintes actuelles des plateformes — comme étant indispensable, comme une stratégie de contenu gagnante, à condition qu’il fasse bien partie d’un mix éditorial savamment réfléchi qui veille à proposer du contenu diversifié, en lien direct avec le cœur du métier et la raison d’être de votre entreprise.

Vous l’aurez compris la question n’est donc pas de savoir si on est pour ou contre le snack content, mais plutôt de savoir pourquoi (pour communiquer efficacement/exister sur les réseaux sociaux), comment (de manière native à chaque plateforme et au sein d’un mix éditorial qui va bien au-delà de cette stratégie), quand (consultez vos tableaux de programmation éditoriale !) et où (médias sociaux) employer cette stratégie de contenus. Le snack content ne devient du junk content que dans son usage outrancier, lorsqu’il ne sert d’autre objectif que la satisfaction des fonctionnements inhérents des réseaux sociaux qui, sans limite imposée par les producteurs ou les consommateurs de contenu, fonctionnent comme des gasters à l’hybris démesurée… Mais il s’agira du sujet de notre prochain et dernier épisode de la série : « Le snack content : une fausse bonne question ? — #Episode5 ».

✔ En savoir plus sur le projet une Citoyenne éclairée.


[1]Les uploads des vidéos natives sur Facebook ont une portée dix fois supérieure aux partages de liens YouTube (Socialbakers).

[2]autoplay

[3]Twitter Media Studio permet l’intégration des sous-titres pour rendre accessible la vidéo, l’ajout d’un CTA (Call to action) pour renvoyer vers votre site web par exemple et notamment d’une configuration des éléments clés de la vidéo comme la miniature, le titre, la description, la catégorie.

[4]Le teasing est une technique de communication attirant le public par un message (court et pertinent) basé sur l’interpellation. En savoir plus sur le site Définitions marketing.

[5]La raison d’être d’une entreprise désigne la façon dont elle entend jouer un rôle dans la société au-delà de sa seule activité économique. Depuis 2019, les entreprises peuvent désormais s’ auto-déclarer entreprises à mission et intégrer dans leurs statuts une « raison d’être » qui s’inscrit dans un cadre stratégique.

[6]design pompeux au service de lui-même sans poursuite d’aucun objectif communicationnel précis (pédagogie, inspiration, compréhension etc;..) ; langue de bois etc. …

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Le snack content, enfant prodig(u)e de la communication – #Episode3

Récapitulons. Ceci est une série de tribunes au sujet du snack content qui questionne l’omnipotence de ce format dans le cadre de la communication corporate. Jusque-là, nous avons réussi à déterminer que le snack content semble être né du croisement de deux phénomènes : d’une part, un drôle de mimétisme avec la publicité, pour laquelle le format court apparaissait comme évident pour des raisons essentiellement financières et, d’autre part, l’avènement de l’ère des médias sociaux, qui, via un fonctionnement de flux, entérinent la success story du snack content. Dans ce troisième épisode de la série nous allons chercher à identifier les éventuelles limites du snack content. Prêt(e)s ?

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Tout d’abord, je me permets de préciser que cette tribune ne vise guère à exprimer des points de vue tranchés sur la question qui seraient les miens ; mon objectif est plutôt d’interroger mes propres pratiques en tant que communicante, de poser des questions et de les partager avec vous pour faire avancer le débat. 

Une citoyenne éclairée.

Nous avons en effet établi dans la tribune précédente qu’à l’époque de la maturité des médias sociaux on a vu apparaître tout un ensemble de spécialistes du social media qui ont joué un rôle important dans ce que nous avons appelé l’avènement du snack content. Ainsi, toutes les entreprises confondues se sont retrouvées à appliquer sur les médias sociaux les mêmes « bonnes recettes » formelles que celles qui avaient été en définitive prévues pour la publicité, parmi lesquelles le très court, le snack content, qui visait initialement à impacter les publics en réalisant des conversions immédiates[1]. Or, nous le savons, la communication corporate ne cherche pas à vendre des produits, mais plutôt à promouvoir une entreprise, à instaurer un dialogue avec l’ensemble de ses parties prenantes et à faire accroître ainsi sa notoriété, son influence, et, si possible, sa puissance commerciale. En cherchant à coller formellement aux règles de la pub et aux exigences des plateformes sociales, via l’intronisation des stratégies de contenu comme le snack content par exemple, la com’ corporate oublierait-elle sa vocation initiale ? En quoi un recours abusif au snack content peut-il desservir la com’ corporate ? Voici trois limites du snack content :

#Limite1 : le snack content est cher, et pas si ROIste que cela

Ainsi, la principale limite de cette pratique exacerbée du snack content par la com’ corporate semble être le fait que des entreprises investissent du temps et du budget dans la production de formats souvent à faible valeur ajoutée, peu différenciants, qui ne font que s’ajouter au bruit de fond permanent[2]. Ainsi, à défaut des budgets conséquents similaires à ceux dont disposent les équipes de la pub pour sponsoriser leurs contenus, les snacks si prometteurs se retrouvent noyés dans l’ensemble des micro-bouts d’informations, GIFS, memes, tweets, stories, mini vidéos, etc. qui foisonnent sur les réseaux.  Les spécialistes du contenu et du social media organique se trouvent ainsi obligés de se réjouir pour quelques dizaines de likes par contenu, tandis que les plus optimistes d’entre eux s’amusent à jongler avec des chiffres un peu plus conséquents au regard d’autres KPI comme les impressions[3], avec les limites que cela comporte… 

#Limite2 : le snack content nuit à l’écologie de l’attention

Pour mieux comprendre les éventuelles limites du snack content, il convient déjà d’expliciter le concept de content shock[4], formulé par Mark Schaefer. L’expression « content shock » est utilisée pour désigner le fait que la production de contenus disponibles sur Internet augmente beaucoup plus vite que le temps et l’attention disponibles des individus à qui sont destinés ces contenus. En d’autres termes, il s’agit du paradoxe que je soulevais dans une autre de mes tribunes traitant de l’emballement médiatique lié à la pandémie du Coronavirus par la question : « et si l’information aujourd’hui créait moins le sens qu’elle ne le brouillait ? ».

En effet, ces contenus, souvent plus ou moins identiques sur le fond – et a fortiori sur la forme – qui se noient dans les fils d’actualité infinis des médias sociaux, ont pour effet direct le fait de donner aux internautes atteints d’infobésité un sentiment d’impuissance. Submergés et dépassés par la richesse de ces plateformes alimentées en continu par des micro-bouts d’information instantanées, ces internautes n’arrivent plus à capter la valeur de ces contenus. Le snack content, qui devait initialement répondre à la problématique liée au manque d’attention, dans son usage “abusif” par l’ensemble des acteurs du web semble ainsi produire l’effet inverse et contribuer à cette pathologie civilisationnelle, la malinfo.

#Limite3 : le snack content nuit à l’écologie tout court

Virtuel, numérique, digital, immatériel ? Au-delà de l’« immatériel », le monde digital est bel et bien fondé sur du hardware qui lui… pèse. En effet, à cette ère que beaucoup d’optimistes appellent d’ores et déjà « post-Covid », on s’interroge de plus en plus sur les conséquences de nos actes, de notre consommation et, puisque c’est le sujet, de notre production de contenu. Or les statistiques montrent que l’empreinte environnementale du numérique est en forte hausse.

En 2019, la quantité nécessaire pour alimenter les serveurs, les centres de données, les réseaux de communication et les appareils utilisés pour naviguer sur internet était équivalente à la consommation énergétique de l’ensemble du Royaume-Uni ! (416,2 TWh). Ces émissions carbone représentent 2 % des émissions mondiales, soit tout autant que celles l’industrie aéronautique qui est considérée comme l’une des plus polluantes…[5] En effet, une page de site internet consultée entraînerait en moyenne la production de 1,76 gramme de CO2, tandis qu’une requête Google produirait quant à elle 7 grammes de CO2 dégagés dans l’atmosphère.

On parlait dans les précédentes tribunes d’une surproduction de contenus… À cela s’ajoute le fait que les contenus que nous mettons en ligne sont de plus en plus performants, et donc lourds…[6] Par ailleurs, force est de rappeler que si les producteurs de contenus et les webmasters ne tardent jamais à mettre en ligne leurs nouveaux articles et vidéos, ils oublient souvent de les retirer lorsque ces derniers ne s’inscrivent plus dans l’actualité…

Pour revenir à la question du snack content, à prime abord inoffensif car court et plus léger que d’autres formats, c’est bel et bien dans son utilisation outrancière par tous les producteurs de contenu du web qu’il devient fortement nuisible d’un point de vue écologique. En effet, derrière ce mur de petites briques à petit goût et faible valeur « nutritionnelle », se cachent les serveurs super puissants et super polluants des géants du numérique, qui les hébergent volontiers et gratuitement…[7]

________

Alors, le snack content : prodige ou prodigue ? Cela dépend ! Comme tout, il faut l’utiliser avec modération et à bon escient !

Puisque nous avons mis en exergue quelques-unes des limites du snack content, il est désormais temps que nous nous intéressions aux conditions sine qua non pour faire du snack content une stratégie marketing gagnante ! Rendez-vous la semaine prochaine avec « Le snack content : une stratégie gagnante, mais à quelles conditions ? – #Episode4 ». Stay tuned!


[1] Désigne la réalisation d’une action spécifique par un internaute sur un site.

[2] C’est ce que nous avons appelé « infobésité ». Découvrez une autre de mes tribunes qui traite ce concept de manière appliquée à l’emballement médiatique lié à la pandémie du Coronavirus.

[3] Sur les réseaux sociaux, une impression désigne l’indicateur de performance vous permettant de connaître le nombre de fois où votre lien, action ou publicité a été vue.

[4] https://businessesgrow.com/2014/01/06/content-shock/

[5] https://blog.adimeo.com/comment-mesurer-l-empreinte-carbone-d-un-site-web

[6] La taille moyenne d’une page web en 2019 est 4 fois plus élevée qu’en 2010.

[7] On reviendra sur ce point spécifique dans un autre épisode de la série.

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Le snack content : les origines – #Episode2

Les médias sociaux sont-ils des vecteurs d’hybridation entre le contenu et la pub ? Sont-ils les responsables de l’avènement du snack content comme dispositif incontournable du content marketing et de la communication corporate ? Si oui, comment ce mélange des genres se serait-il opéré ?

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Nous l’abordions déjà dans le volet introductif de cette série d’articles dédiés au snack content : l’intérêt du format court, voire du très très court, va de soi dans le monde de la publicité. L’achat d’espace, d’abord dans la presse, ensuite à la radio, à la télé, et depuis une vingtaine d’années avec la publicité online – display[1], search[2]ou social[3] – a toujours représenté un pourcentage très important du budget des campagnes publicitaires. Ainsi, plus une publicité était courte (et idéalement efficace), moins elle coûtait cher ! Le succès du snack content en tant qu’outil à part entière du content marketing[4] et de la communication corporate[5] serait-il dû à un effet d’itération de ce procédé formel subi par le monde de la pub ?

Le snack content, enfant de la pub ?

Avec la miniaturisation des devices et le développement d’une connexion de plus en plus performante dans la plupart des parties du monde, la publicité online a gagné de plus en plus de parts de marché ces dernières années, si bien qu’aujourd’hui elle est le leader incontesté du marché de la publicité dans sa globalité.

Au sein de la pub digitale elle-même, si le search[6] reste depuis plusieurs années en tête avec un peu plus de 50 % des revenus publicitaires en ligne, c’est le social[7] qui enregistre la plus forte croissance et s’en sort le mieux dans le contexte de pandémie. En 2020, le social représente en France 25 % des revenus globaux de la publicité en ligne, soit 638 millions d’euros enregistrés au premier semestre 2020 seulement[8].

Une aussi forte rentabilité de la publicité sur les médias sociaux s’explique tout simplement parce que les audiences y sont…  C’est d’ailleurs pour conquérir ces mêmes audiences que la communication corporate aurait ainsi emprunté le snack content à la pub pour tenter de s’imposer au sein de l’Eldorado des réseaux sociaux.

Le snack content, enfant des réseaux sociaux ?

Le social media s’est imposé dans les stratégies de marketing et de communication des entreprises depuis plusieurs années jusqu’à devenir aujourd’hui un incontournable. L’avancée de cette « discipline » à part entière dans l’entreprise s’est faite de manière assez linéaire : 

  • naissance au milieu des années 2000, lorsque les « premiers » réseaux sociaux voyaient le jour. Quel accueil en entreprise ? Les réseaux sociaux étaient à cette époque la responsabilité exclusive des stagiaires et on se félicitait en tant que marque de posséder un compte Facebook. 
  • adolescence au début des années 2010, lorsque la plupart des entreprises et des acteurs institutionnels prenaient la parole sur les réseaux sociaux de façon indifférenciée par rapport aux autres canaux de diffusion et effectuaient parfois des actions aujourd’hui inconcevables comme l’achat de fans en masse. C’est cependant à cette même époque que nous avons vu naître aussi les premières stratégies de marque dédiées aux médias sociaux.
  • maturité depuis la fin des années 2010, lorsque ces stratégies social media se sont généralisées et qu’on a vu apparaître tout un ensemble de spécialistes du social media, lesquels ont joué un rôle important dans ce que nous avons appelé l’avènement du snack content.

L’avènement du snack content

Ainsi, en érigeant le social media comme un incontournable au sein des entreprises, les experts internes ou externes aux directions de communication ont préconisé le fait de répondre de plus en plus aux exigences des différentes plateformes pour chercher à se démarquer. Parmi leurs recommandations, on peut rappeler la production de contenus natifs, la prise en compte du fonctionnement des fils d’actualité et de la dynamique de flux, la sponsorisation des (micro-)contenus, l’adaptation des formats en fonction des médias de destination… A cela s’ajoute le nécessaire suivi des tendances des réseaux sociaux, des modifications constantes de leurs interfaces et de leurs fonctionnalités ou encore de leurs algorithmes qui petit à petit ont commencé à privilégier la publicité au détriment de tous les autres contenus[9]… 

C’est dans ce cadre précis que le snack content s’est vu petit à petit ériger une place de choix dans les stratégies de contenus mises en place par les directions de communication corporate des entreprises et dans les recommandations des agences spécialisées… à raison ou à tort ?

Vous l’aurez compris, il est question désormais de pointer les éventuelles limites de ce que nous avons appelé l’avènement du snack content au sein de la communication corporate. Ce sera l’objet du prochain article de la série intitulé « Le snack content, enfant prodig(u)e de la communication ? ». Stay tuned!

[1]La publicité display, dans le domaine du marketing digital, désigne le marché et les formats publicitaires graphiques et audio de type bannières et vidéos.

[2] Le « search marketing » ou « search engine marketing » regroupe l’ensemble des techniques consistant à positionner favorablement des offres commerciales, sites internet, applications mobiles ou autres contenus sur les pages de réponses des moteurs de recherche.

[3] Publicités sur les réseaux sociaux.

[4] Le content marketing, ou marketing de contenu, désigne les pratiques qui visent à mettre à disposition des prospects ou des clients un certain nombre de contenus utiles ou ludiques. En savoir plus.

[5] La communication corporate regroupe l’ensemble des actions de communication qui visent à promouvoir l’image de l’entreprise ou d’une organisation vis-à-vis de ses clients et de ses différents partenaires. 

[6] Au niveau mondial, Google détient le monopole de la publicité sur les moteurs de recherche. Hormis la Chine et la Russie, avec respectivement Baidu et Yandex, le reste des pays affichent souvent plus de 90 % de parts de marchés pour Google. Même si les chiffres datent de novembre 2018, l’infographie d’Abondance (Olivier Andrieu) reste toujours un excellent outil pour rendre concret ce monopole. C’est par ici !

[7] Selon le Blog du Modérateur, avec une baisse de 5 %, le social est le levier qui a le moins subi la crise du Covid. Les plus petits annonceurs se sont engagés plus fortement sur ce secteur orienté vers la performance, ce qui a compensé l’arrêt des campagnes des acteurs plus importants. Le marché du social a aussi été porté par Instagram, qui a connu un trafic d’audience important avec de très bons revenus publicitaires grâce à un meilleur ciblage alimenté par la data. Snapchat, LinkedIn ou encore Twitter ont été moins impactés du fait de la diversification des dépenses des annonceurs.

[8] Pour en savoir plus et retrouver les chiffres précis, consultez l’« Observatoire de l’e-pub : les chiffres clés de la publicité digitale en 2020 ».

[9] De manière peu surprenante, puis que leur business model se structure quasi exclusivement sur la publicité extrêmement ciblée (en passant par la récolte de la data).

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Le snack content est-il du junk content ? – #Episode1

Le snack content est-il du junk content ? C’est la question volontairement provocatrice à laquelle je tente de m’attaquer dans cette nouvelle série de tribunes. Mais qu’est-ce que le snack content ? Traduit littéralement en français « micro-contenu », ce concept jargonneux est un terme marketing utilisé pour décrire un contenu court ou très court qui va droit à l’essentiel, facile à consommer, et souvent – mais pas uniquement – dédié à un usage sur les réseaux sociaux et/ou à un usage mobile1. Depuis quelques années il perce et cartonne dans la communication corporate, à tort ou à raison… En savoir plus !

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Mais qui aurait envie d’un snack quand on pourrait choisir un repas gastronomique à la place ? L’analogie avec la consommation de contenus en ligne n’est pas anodine puisque les éléments à considérer pour choisir entre deux contenus et deux plats sont semblables. Tout comme au restaurant, sur le marché des contenus en ligne, il est aussi question d’un coût à prendre en compte. La différence ? Sur l’internet, il est de moins en moins question d’argent, le coût d’entrée se mesurant de plus en plus en temps, en attention, en « temps de cerveau disponible », comme le veut la désormais célèbre phrase d’un publicitaire français. 

Le snack content apparaissait dans le monde de la communication corporate il y a quelques années comme étant le Saint Graal,  la solution ultime à un problème générationnel irrémédiable : le manque d’attention2. Avec cette préoccupation en tête, toute une génération de professionnels de la communication ont érigé une place de choix au snack content parmi les solutions à cette « équation impossible »3 liée à la consommation de contenus sur le web :  la richesse des contenus disponibles vs. une attention de plus en plus limitée4

Snack content… et si on se trompait sur toute la ligne ?

Cela fait bientôt trois ans  que je suis consultante en stratégie éditoriale et digitale au sein d’une agence de communication corporate spécialisée dans le contenu. Cela fait bientôt trois ans  que moi aussi je conseille régulièrement à mes clients – ils sauront le reconnaître –  de passer par le snack pour faire passer leurs messages. Entre pairs, il nous est d’ailleurs souvent arrivé de juger de la qualité d’un contenu en prenant clairement en compte cette variable : la « snackabilité »5 de ce dernier. 

Si l’intérêt du court et du très très court va de soi dans le monde de la publicité, serait-il possible qu’en l’adoptant aussi religieusement dans le monde du content marketing, on se soit trompé sur toute la ligne ? C’est en tout cas la thèse que je souhaite explorer dans cette série de mini articles dédiés au snack content intitulée « Pour en finir avec le snack content ? ». 

Dans le prochain épisode intitulé « Le snack content : les origines – Episode #2 » nous allons nous intéresser à l’histoire du snack content… Stay tuned!


1Pour aller plus loin dans la définition du concept de snacking content, consultez le site Définitions marketing. 

2Des études plus ou moins fiables titraient il y a quelques années que la capacité d’attention de l’être humain (génération Millennials) serait désormais moindre que celle d’un poisson rouge, l’estimant à hauteur d’environ 9 secondes. 

3Appelée également « content shock ». En savoir plus sur le site Définitions marketing. 

4Tout un mouvement pour une écologie de l’attention tente par ailleurs de répondre à cette équation de manière éthique et responsable.

5Barbarisme provenant du franglais signifiant la qualité de ce qui est snackable, donc facilement consommable sur le pouce.