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Écologie de l'attention

Top 5 des tendances éditoriales à l’ère du Covid-19

Il y a quelques jours je publiais une tribune pour proposer un regard critique quant aux effets néfastes de l’emballement médiatique sans précédent lié à la couverture du nouveau coronavirus. Celles et ceux qui ont eu la gentillesse de me relire m’ont rappelé, à juste titre, que pour ceux d’entre-nous qui sommes les mieux « armés » pour sortir la tête du brouillard, des contenus de fond et surtout des formats particulièrement inédits ont vu également le jour pendant cette période. L’ambition de ce papier est justement de partager avec vous un benchmark efficace que j’ai réalisé pour identifier sur la toile cinq tendances éditoriales pédagogiques innovantes (tant du point de vue de la forme que celui du fond), que je qualifierais de remparts contre la « mal-info » ou encore contre les fake-news.
machine à écrire top 5 tendances éditoriales
©Unsplash, Tendances éditoriales 2020

#1 Cartographier non pas pour mesurer le risque, mais pour l’expliquer

J’avais abordé le concept de trajectoire du risque pour définir ce qui serait une nouvelle fonction des médias : le fait d’alerter vs. le fait d’informer. En effet, s’agissant du traitement médiatique d’un virus à propagation fulgurante, le rapprochement géographique imminent de celui-ci apparaît comme un facteur aggravant la tentation des médias de recourir à un traitement alarmiste de cette actualité. 

Or, s’intéresser à la propagation du virus en prenant en compte la variable géographique peut remplir d’autres fonctions en plus de la seule fonction d’alerte qui pourrait être incarnée par la célèbre réplique : « Covid-19 is coming ». Voici les meilleurs exemples dans ce sens : 

⚙︎ Le New York Times consacre sur son site internet une page réservée à l’analyse data de la propagation du virus. On y trouve des cartes interactives et des graphiques particulièrement instructifs.

⚙︎ En partenariat avec Le Temps, une équipe de chercheurs de l’EPLF a réalisé une étude sur les liens entre les articles de presse, les requêtes Google et les mentions du virus sur les réseaux sociaux pour comprendre à quel moment il y a eu une prise de conscience collective de l’ampleur de la situation dans les différents pays européens. 

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⚙︎ Des initiatives personnelles intéressantes ont vu le jour sur les réseaux sociaux comme le le Twitter thread de Loïc Hecht. Celui-ci soulève des problématiques liées à la protection des données et sensibilise en même temps sur la question de la responsabilité individuelle face à cette crise. 

Comme quoi, les angles de traitement du Covid-19 peuvent être diversifiés !

#2 Du flux, de l’instantané pour soigner les addicts en proposant le « bon remède » 

J’avais également conclu sur le fait que dans un monde médiatique complexe qu’on peut caractériser non seulement par une multiplication des sources et des intermédiaires (notamment des médias sociaux qui fonctionnent comme des agrégateurs de titres qu’« il ne fallait pas manquer ») mais surtout par le règne de l’immédiat, les modes de consommation de l’information changent et beaucoup d’entre nous deviennent des « malades d’info ». Ainsi, nous serions devenus accros à cette fonction alarmiste des médias, incarnée si bien, à la télé, par les chaînes d’info en continu ou, sur le web, par l’ensemble des formats directs ou encore par le fonctionnement inhérent d’un réseau comme Twitter. C’est justement pour répondre à ce public ayant succombé non pas au virus, espérons-le, mais à la mal-info, que certaines initiatives inédites ont vu le jour :  

☛ Ainsi, pour accroître son engagement contre les fausses informations, et être accessible au plus grand nombre, Le Monde lance un fil de discussion sur WhatsApp disponible gratuitement. Les utilisateurs qui le souhaitent peuvent recevoir quotidiennement une sélection d’actualités vérifiées, d’informations pratiques, de conseils… 

☛ A son tour, pour combattre les fake-news qui pourraient être consommées par ses utilisateurs accros au flux, Twitter leur propose un fil dédié à l’actualité Covid-19 en France où son algorithme ne recense que les sources officielles ou vérifiées. 

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#3 Fact checking, fake-checking : un nouveau déplacement du rôle des médias dans nos sociétés ?

En effet, à l’ère de la post-vérité, la fleuraison des fake-news a pris une telle ampleur que certains chercheurs se sont demandé dans quelle mesure cet usage détourné du web conversationnel ne risquait pas de remettre en question l’organisation même de nos systèmes démocratiques représentatifs. En effet, l’utilisation intensive de fake-news et les effets pervers de l’exposition sélective des réseaux sociaux auraient conduit à des événements politiques majeurs comme l’élection de Trump ou le Brexit. 

Désormais, les médias qui informent, les médias qui alertent, se doivent de devenir aussi des médias qui assurent le « nettoyage » du web. En clair ? Un grand nombre de médias avaient d’ores et déjà mis en place des dispositifs de fact checking. Le capital anxiété d’une actualité traitant de la propagation d’un virus mondial rend le sujet propice pour que des hordes de collapsologues plus ou moins respectables s’en emparent. Garde aux amateurs d’une bonne vieille théorie du complot ! Ce risque a été vite identifié par certains médias qui ont renforcé leurs dispositifs ou bien en ont mis en place des nouveaux dédiés au coronavirus :

✔︎ Pour démêler le vrai du faux une centaine de médias dans une soixantaine de pays différents se sont associés sur un site internet développé par l’IFCN, le réseau international de vérification. Ce site s’appelle Coronavirus Facts Alliance et contient plus de 3 000 articles au sein de sa base de données.

✔︎ L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) rejoint la lutte contre les fake-news en lançant un chatbot sur WhatsApp qui répond à toutes les questions santé des internautes concernant le Covid-19. 

✔︎ L’AFP, quant à elle, a également pris le sujet à bras le corps et propose un service dédié au fact checking.

✔︎ Les comptes Twitter et Facebook de Fake Investigation, spécialisés dans la vérification de la véracité des images et des vidéos, sont un bon exemple d’initiative née exclusivement sur les réseaux. Si elle n’a pas été créée dans le contexte de la crise sanitaire, cette initiative a bien adapté sa ligne éditoriale dans ce sens.  

#4 Contre la micro-information dénuée de contextualisation ? Le fond, le fond, le fond…

Le snack content a sans doute beaucoup de vertus, mais pas celle d’expliquer à une population planétaire confinée les tenants et les aboutissants d’un virus qui les avoisine, qui impacte leur travail et qui transforme radicalement leur mode de vie ! Qu’il s’agisse des médias, des annonceurs ou des leaders d’opinion en tout genre, plusieurs contenus développés ont retenu mon attention : 

✍︎ Le décryptage du Monde, Moins de bruit, plus de télé, pas d’avions ou presque : la « France à l’arrêt » en douze graphiques

✍︎ L’infographie du Monde aussi, A quoi sert le confinement ?particulièrement inspirante au niveau du format et bénéficiant d’un design plutôt original. 

✍︎ Une landing page dédiée au Coronavirus du National Geographic pas comme les autres ! Les reportages photos sont particulièrement touchants.

✍︎ Des tribunes, des prises de paroles engagées de la société civile, signées par des journalistesdes chercheursdes écrivainsdes dirigeants

#5 Le retour en force d’un format oublié : le journal !

Qui aurait imaginé que, du jour au lendemain, nous allions voir fleurir toutes sortes de journaux intimes, ou pas tant que ça, portant sur toutes sortes de thématiques, mais avec une vocation implicite ultime et quasi exclusive : « comment survivre au confinement ? ». Voici mes préférés : 

☕︎ Le journal de confinement de Wajdi Mouawad en podcast ou bien son initiative « #Au Creux de l’oreille » permettant aux artistes programmés pour la saison 2019/2020 du Théâtre de La Colline de continuer à toucher leur public, en leur interprétant de courts textes au bout du fil…

☕︎ Le « Journal du confinement » de la romancière Leïla Slimani dans Le Monde.

☕︎ La Fondation Jean Jaurès a lancé, avec Le Point et l’Ifop, un journal collectif, « Covid-19 : en immersion dans la France confinée », qui permet de suivre trente personnes de 20 à 75 ans, confinées dans des régions différentes, à qui l’on a proposé de réagir à l’actualité et de décrire leur quotidien.

☕︎ Bonus :  voici également le journal vidéo de mon camarade Arnaud Martien, Je suis confinédisponible sur la plateforme Youtube.  


En réalité, les exemples regorgent et je suis sûre que vous en consultez quotidiennement plusieurs alors n’hésitez pas à partager avec moi les pépites découvertes en commentaire ! 

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